Près de 213 000 femmes ont été, en 2020, victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes. Sans compter toutes celles qui sont menacées ou violentées dans l’espace public. Une réalité qui conduit certaines villes à sécuriser davantage les citoyennes lors de déplacements urbains, mais aussi à mieux coordonner et améliorer leur accompagnement. Exemples.

Strasbourg : 74 vrais logements

Soucieuse d’assurer une réelle prise en charge des victimes de violences sexistes, la municipalité de Strasbourg a développé, à l’été 2020, 74 places d’hébergement pour ces femmes. « Et leurs enfants, insiste Christelle Wieder, adjointe au maire, chargée des droits des femmes et de l’égalité de genre. Il s’agit pour l’essentiel de places de stabilisation. C’est-à-dire de lieux où elles peuvent se reconstruire, avec l’aide des associations, pendant un temps long, entre six mois et un an. » C’est « un tremplin destiné à leur permette ensuite de trouver leur propre logement, un emploi, de se bâtir une nouvelle vie », explique-t-elle.

La ville s’est associée à trois structures locales spécialisées dans l’accompagnement des victimes féminines de violences, qui exprimaient un fort besoin de vrais hébergements. Car, « bien souvent, elles sont orientées vers des chambres d’hôtel excentrées, difficilement accessibles, parfois insalubres, où il leur est difficile de cuisiner, de vivre avec leurs enfants. Et qu’elles n’obtiennent pas toujours, tant s’en faut, du jour au lendemain. Elles sont du coup contraintes de rester chez elles et de faire le dos rond, toujours sous la menace des violences », relève Christelle Wieder. « Une réalité insoutenable » à laquelle Strasbourg a décidé de mettre un terme, en prenant en charge le loyer de vrais logements ainsi que l’accompagnement social assuré par les associations. Elle y consacre un demi-million d’euros par an.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Citad’elles, un lieu pour accueillir, aider et informer les femmes victimes de violences

Montreuil : une cellule de coordination spécifique

Un réseau des acteurs intervenant sur la problématique des violences faites aux femmes s’est constitué à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Au sein de ce regroupement d’associations et de services de la ville, une cellule de coordination des réponses faites aux victimes a été mise en place en 2018 par la ville. « L’objectif est que l’ensemble des acteurs concernés de notre territoire puisse immédiatement se coordonner », relève Patrice Bessac, maire de Montreuil.

Toute femme qui se signale est rapidement contactée par une cellule d’écoute composée d’un psychologue, d’une assistante sociale et de conseillères conjugales et familiales. Cette structure recueille sa parole, l’informe et envoie, avec son accord, son signalement, de façon anonyme, à la cellule de coordination et de traitement. « Très utile dans les situations complexes, ce dispositif, assure le maire, a permis d’accélérer le relogement pérenne d’un certain nombre de victimes. »

Bordeaux : des bars, restaurants et commerces engagés

La ville a lancé, il y a un an, le dispositif « Demander Angela », inspiré du Royaume-Uni, pour lequel elle a noué des partenariats avec des bars-restaurants et des commerces. « L’objectif, explique Amine Smihi, adjoint chargé de la prévention, de la délinquance et de la sécurité, est de permettre aux femmes menacées ou victimes d’avoir un lieu de repli, nuit et jour. Et ensuite de l’écouter, de l’accompagner, voire de l’aider dans une procédure de plainte. »

Identifiables par un sticker mauve collé à l’entrée ou sur leur vitrine, tous les établissements partenaires ont un référent. Celui-ci prend en charge la personne, la conduit en lieu sûr, à l’écart du bruit et du monde, la rassure, l’écoute, en lui proposant de l’eau, un café, et éventuellement une solution pour être raccompagnée chez elle en toute sécurité. Il appelle, si nécessaire, la police au numéro spécifiquement consacré à ce dispositif.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les commerçants nîmois, nouveaux remparts au harcèlement de rue

Bars, restaurants, clubs, coiffeurs, magasins de chaussures, musées… le réseau compte déjà quatre-vingts lieux d’accueil. « Nous souhaitons encore étendre le maillage territorial, afin que ce dispositif devienne un vrai service public », souligne Claudine Bichet, adjointe au maire, chargée des finances, du défi climatique et de l’égalité femmes-hommes.

Sainte-Luce-sur-Loire : une personne repère et accessible

Dans la Loire-Atlantique, la commune de Sainte-Luce-sur-Loire a fait le choix, en 2020, de nommer une référente violence intrafamiliale. Son rôle consiste non seulement à coordonner les actions à mettre en place, mais surtout à incarner une personne-ressource auprès des victimes. « L’objectif n’est pas de proposer un accompagnement sur le long terme car nous avons, sur notre territoire, des structures dédiées. La difficulté pour les victimes est souvent de trouver le bon interlocuteur en fonction de son besoin », explique la référente, Fabienne Riou.

Celle-ci reçoit les femmes, détermine avec elles où elles en sont et quels sont leurs besoins. Elle établit ensuite une passerelle vers les partenaires susceptibles de les accompagner. Et, ce, en appelant elle-même et en aidant à la prise de rendez-vous auprès de l’interlocuteur privilégié qu’elle a dans chaque structure. Fabienne Riou reste disponible si les victimes ne sont pas encore prêtes à engager une démarche lors du premier contact.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Laure Murat, historienne : « #metoo, sans même qu’on s’en rende compte, est devenu une évidence, incontournable »

Paris : des maisons d’accueil pluridisciplinaires

Pour améliorer le parcours et la prise en charge des victimes de violences, la mairie de Paris a aidé l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à créer des Maisons des femmes, lieux d’accueil, d’écoute, de soins, et d’orientation. La première a vu le jour en novembre 2021 à Bichat, la deuxième un mois plus tard à la Pitié-Salpêtrière, la troisième en janvier 2022 à l’Hôtel-Dieu et une quatrième est en projet à Bicêtre.

« L’idée est d’avoir un lieu d’accueil unique où l’équipe, pluridisciplinaire, peut aider les femmes pour tout, explique Anne Souyris, adjointe au maire, chargée de la santé, de la prévention des risques et des relations avec l’AP-HP. Le secteur hospitalier est plutôt rassurant et préserve le secret médical. » Après un entretien d’accueil, la victime peut bénéficier d’un parcours de soins personnalisé, d’un soutien psychologique, juridique et judiciaire, de la possibilité de porter plainte sur place, d’une aide pour trouver un logement et participer à des activités collectives (groupes de parole, ateliers psychocorporels, estime de soi…).

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Ghada Hatem, celle qui répare les femmes victimes de violences

Ce dossier est réalisé à l’occasion des premières Assises nationales de lutte contre les violences sexistes organisées par la ville de Nantes et Nantes Métropole.

Informations : assises-violences-sexistes.fr

Laetitia Van Eeckhout

S’abonner

Contribuer