Violences sexuellesdossier
Le service des statistiques du ministère de l’Intérieur indique que 1 409 infractions pour «outrage sexiste» ont été enregistrées en 2020. Mais ce chiffre ne se traduit pas toujours par des harceleurs sanctionnés par des amendes.
publié le 12 janvier 2022 à 10h04
En visite à Nice ce lundi, le Président pas encore officiellement candidat Emmanuel Macron a annoncé plusieurs mesures pour lutter contre l’insécurité, parmi lesquelles la qualification du harcèlement de rue «de délit dans la loi. Concrètement, il sera sanctionné par une amende forfaitaire au montant triplé, 300 euros, pour être dissuasif et efficace.»
Adoptée en août 2018, la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a créé l’infraction d’«outrage sexiste» avec comme objectif principal de pénaliser le harcèlement de rue, qui vise en grande majorité les femmes. Passible d’une amende immédiate de 90 euros minimum et jusqu’à 1 500 euros en cas de circonstances aggravantes, l’outrage sexiste «consiste dans le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.»
Vous souhaitez savoir si cette loi est appliquée sur le terrain. Contacté par CheckNews, le ministère de la Justice indique que «la contravention d’outrage sexiste, qui est une contravention de la 4e classe, relève de la procédure de l’amende forfaitaire. Or, le ministère de la Justice ne dispose pas des chiffres relatifs aux amendes forfaitaires dressées par les forces de l’ordre ou les agents habilités. Ces contraventions n’apparaissent dans nos logiciels que si l’amende a fait l’objet d’une contestation traitée judiciairement.»
La place Vendôme ne disposant pas de ces données, il faut se tourner du côté de Beauvau, où le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié un rapport en juillet, indiquant que 3 454 infractions ont été enregistrées par les forces de police et de gendarmerie d’août 2018 à mai 2021. En décomposant par années complètes, on distingue 261 infractions d’août à décembre 2018, 930 contraventions en 2019, 1 409 en 2020 et 854 durant les cinq premiers mois de l’année 2021. Contacté par CheckNews, le SSMSI indique les données pour l’ensemble de l’année 2021 ne seront publiées qu’à l’été 2022.
Si ces données montrent une hausse du nombre d’infractions depuis 2018, dont les victimes sont 9 fois sur 10 des femmes, le SSMSI souligne dans son rapport qu’«il est délicat d’interpréter l’évolution mensuelle des contraventions pour outrage sexiste enregistrées par les forces de sécurité». Une précaution due à la «montée en charge du phénomène, l’appropriation progressive des nouveautés législatives par les services de police et de gendarmerie, et les effets de la crise sanitaire». Le service de statistiques rappelle également que «ce type d’infractions donne très rarement lieu à un signalement auprès des services de sécurité. L’enquête Cadre de vie et sécurité (CVS) permet d’estimer, sur la période 2011-2018, que seulement 2 % des victimes d’injures sexistes et 5 % des victimes d’injures anti-LGBT portent plainte.»
Il est également important de souligner que les chiffres présentés dans le rapport correspondent aux infractions enregistrées par les forces de l’ordre, et ne correspondent pas automatiquement aux nombres d’amendes payées par les harceleurs qui risquent encore peu d’être sanctionnés. «Une personne au moins a été mise en cause dans seulement 17% des infractions enregistrées par la police nationale durant les années 2019 et 2020. Cette part monte à 25% en incluant les procès-verbaux électroniques (PVe) qui, par nature, ne peuvent concerner que des contraventions avec un mis en cause», note le SSMSI.
Alors que la loi prévoyait la possibilité de punir les harceleurs de rue par un procès-verbal électronique, le SSMSI révèle que «dans la pratique, cela n’a été possible qu’à compter de mai 2020, et les PVe sont encore rares (139 en 2020), utilisés moins d’une fois sur cinq pour les contraventions de 4e classe enregistrées de mai à décembre 2020».
Sans préciser le détail des condamnations, le service de statistiques du ministère de l’Intérieur décrit qu’«en ce qui concerne les suites judiciaires, les outrages sexistes n’ayant pas fait l’objet d’un PVe (amende forfaitaire) sont en général transmis à un tribunal de police qui prononce le plus souvent une amende contraventionnelle» avant de tempérer en ajoutant que «le parquet décide également fréquemment d’une alternative aux poursuites, comme le rappel à la loi, ou un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, quand le mis en cause ne reconnaît pas les faits et qu’il n’existe pas d’éléments autres que la parole de la victime, tels que la vidéosurveillance ou d’éventuels témoins.»