Le harcèlement sexuel ne se limite pas à la sphère privée et professionnelle, il se trouve aussi dans l’espace public. C’est le harcèlement de rue. Trop longtemps assimilé à de la drague ou au simple fait d’aborder quelqu’un de manière « un peu lourde », le harcèlement de rue est un véritable problème de société. Cela se traduit par des sifflements, bruits de bouche, divers commentaires, insultes et interpellations, et agressions sexuelles commis dans l’espace public (rue ou transports).

Toutes ces atteintes ont lieu sans le consentement de la personne. Rappelons que le harcèlement sexuel est défini par le code pénal comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »

100% des utilisatrices des transports en commun harcelées au moins une fois

En 2015, le Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes publiait un avis sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun. Selon leur étude, 100% des utilisatrices des transports en commun ont au moins une fois été victimes de harcèlement de rue.

Selon ce même rapport, le harcèlement de rue « définit le phénomène de harcèlement sexiste et des violences sexuelles dans l’espace public comme étant des manifestations du sexisme qui affectent le droit à la sécurité et limitent l’occupation de l’espace public par les femmes et leurs déplacements en son sein ».

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2012, le premier déclic

En 2012, le harcèlement de rue est dénoncé en Belgique grâce au film documentaire de l’étudiante belge Sofie Peeters. Pour montrer le sexisme ordinaire qui subissent les femmes dans les rues bruxelloises, elle a filmé en caméra cachée ses déplacements et le harcèlement de rue perpétuel dont elle était victime. Femme de la rue sort en 2012, année où en France aussi, un premier déclic à propos du harcèlement de rue intervient.

On le doit notamment au blog Paye Ta Schnek, lancé sur Tumblr cette année-là par une militante, pour recueillir les témoignages anonymes de femmes victimes de harcèlement de rue. En sept ans, des milliers de témoignages sont publiés, et permettent une prise de conscience.

Plus qu’une simple plateforme, cette initiative montre le fléau du harcèlement de rue, présent partout et touchant toutes les femmes. Sur Paye Ta Schnek, chaque message contient une ou deux phrases prononcées par l’agresseur et la localisation de l’agression. Mais en 2019, la créatrice, graphiste et militante féministe, épuisée, décide d’arrêter.

Depuis, d’autres initiatives ont pris le relais, et notamment sur Instagram. @disbonjoursalepute et @toutenuedanslarue illustrent depuis l’été 2020 l’omniprésence du harcèlement de rue grâce à des témoignages de jeunes femmes. Un phénomène loin d’avoir disparu avec les confinements dus à la pandémie mondiale de Covid-19.

La réalité du harcèlement de rue en France

En 2020, un sondage Ipsos, réalisé en partenariat avec L’Oréal Paris, révèle que 81% des femmes en France ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics. 20% disent de pas avoir été aidées. 86% des personnes interrogées ne savent pas de de quelle manière réagir lorsqu’elles sont témoins de harcèlement.

Ce harcèlement constant a un impact sur la façon dont les femmes appréhendent l’espace public. Une étude de l’INSEE révèle que 25% des femmes de 18 à 29 ans ont peur dans la rue. 40% des femmes renoncent à fréquentent des lieux publics à la suite de « manifestations du sexisme ».

81% des femmes en France ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics

Marie Laguerre, devenue un symbole du harcèlement de rue

Le 24 juillet 2018, Marie Laguerre est agressée alors qu’elle rentre chez elle, dans le XIXe arrondissement de Paris. L’étudiante, alors âgée de 22 ans, est interpellée par un homme qui passe à côté d’elle et fait des bruits à connotation sexuelle. L’étudiante lui répond « Ta gueule ». L’homme lui jette un cendrier à la tête, se retourne et revient vers la jeune femme pour lui donner un coup de poing devant des témoins, assis à la terrasse d’un bar. 

La scène est filmée par une caméra de surveillance. Quelques heures plus tard, la jeune femme la diffuse sur les réseaux sociaux, et raconte son agression. En quelques jours, la vidéo est vue des millions de fois.

Une amende pour outrage sexiste votée en 2018

Quelques jours plus tard, la loi sur les violences sexistes et sexuelles, portée par la secrétaire d’État chargée de l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, est votée. En août 2018, la France devient le premier pays à pénaliser le harcèlement de rue par des amendes. Ce n’est pourtant pas le premier pays européen à légiférer à ce propos. La Belgique et le Portugal l’avaient déjà fait, sans franchir le pas de la contravention.

Dans le code pénal, l’outrage sexiste devient un délit qui « consiste à imposer à une personne un propos ou un comportement à connotation sexuelle ou sexiste, qui porte atteinte à sa dignité ou l’expose à une situation pénible ».  L’amende peut aller de 90 euros à 1500 euros si la victime a moins de 15 ans, à 3000 euros s’il y a récidive.

En mars 2020, un an et demi après son entrée en vigueur, 1300 amendes pour outrage sexiste ont été distribuées.

Comment réagir face au harcèlement de rue ?

Comment réagir quand on est victime ? Comment réagir quand on est témoin ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre en quelques secondes, en situation de danger. Alors l’idée est d’être prêt.e lorsqu’elle une telle situation arrivera.

Mise en place par L’Oréal Paris, la Fondation des Femmes et l’ONG Hollaback !, l’initiative « Stand Up » permet de mieux se former au harcèlement de rue. Ce programme de lutte contre le harcèlement de rue propose des formations pour aider à réagir et à mettre fin à une situation de harcèlement sexuel dans l’espace public.

Deux formations, l’une « Si vous êtes témoin de harcèlement de rue », et l’autre, « Si vous êtes victime de harcèlement de rue », sont en lignes et ne prennent qu’une quinzaine de minutes. 

Le programme dévoile la méthodologie des « 5D » : distraire, déléguer, dialoguer, diriger et documenter. Avec des situations réelles filmées, il est très simple de se mettre dans la peau du témoin ou de la victime, et d’évaluer les différentes façons de réagir. Pas de bonnes réponses ici, mais des clés pour réagir.

Des formations d’une heure, réalisées par la Fondation des femmes, sont également proposées en ligne, avec un animateur. Elles sont accessibles à tous et nécessitent seulement une inscription. 

Depuis la création de « Stand Up » en mars 2020, 25.000 personnes ont déjà été formées en France et plus de 70.000 à l’international. Toutes les informations sont à retrouver sur standup-france.com. 

Donner l’alerte : les applications contre le harcèlement de rue se multiplient

Ces dernières années, des applications ont aussi été créées pour aider les personnes victimes de harcèlement sexuel dans l’espace public à réagir rapidement, ou à donner l’alerte. 

Parmi les plus anciennes, App-Elles a été créée en 2015. Présente dans treize pays, elle alerte rapidement trois numéros de confiance et permet d’enregistrer l’agression.

Rien qu’en 2020, plusieurs applications ont été lancées. Garde ton corps permet aux femmes d’envoyer un message d’alerte et de se mettre à l’abri. D’abord uniquement accessible dans le Sud de la France, elle peut désormais être téléchargée à Paris.

Une option appelée « Je rentre » permet d’avertir les proches, référencés comme personnes de confiance, et de leur donner accès à sa géolocalisation. Un message leur est envoyé si un problème intervient pendant le trajet. « Lâche-moi, la deuxième possibilité permet à la femme qui se sent en danger d’accéder à une carte rassemblant les lieux où se mettre à l’abri (commerces, restaurants, bars, hôtels…). Enfin, la troisième option, « Aide-moi ! » fait état d’un danger urgent et envoie, en cliquant sur le bouton, un SMS à tous les contacts de confiance, informés de la position exacte de l’utilisatrice.

Dernière arrivée : The Sorority, « première communauté bienveillante de protection, d’entraide et de partage entre femmes et personnes issues des minorités de genre », créée par une communauté d’utilisatrices. En cas de danger, un bouton « alerte » informe les autres utilisatrices géolocalisées se trouvant dans le même périmètre qu’une femme en danger.